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En principe, un accident est un accident du travail s’il survient au temps et au lieu du travail. Mais la jurisprudence admet que le suicide d’un salarié à son domicile puisse, sous certaines conditions, être un accident du travail. Nouvelle illustration avec un arrêt de la Cour de cassation du7 avril 2022, concernant un salarié qui a mis fin à ses jours chez lui le lendemain de l’annonce de la fermeture définitive du site où il travaillait.

 

Constitue un accident du travail un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle ou psychologique, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci.

 

L’accident doit survenir au lieu et au temps de travail, c’est-à-dire lorsque le salarié est sous l’autorité et la surveillance de l’employeur.

 

Un accident qui se produit à un moment où le salarié n’est plus sous la subordination de l’employeur ne bénéficie donc pas de la présomption d’imputabilité au travail.

 

Dans l’affaire jugée le7 avril 2022 par la Cour de cassation, un salarié avait mis fin à ses jours à son domicile le lendemain d’une réunion au cours de laquelle avait été confirmée la fermeture du site sur lequel il travaillait. Sa veuve avait établi une déclaration d’accident du travail et la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) avait accepté de prendre en charge le suicide de son époux au titre de la législation professionnelle.

 

L’entreprise a alors saisi la justice afin que cette prise en charge par la CPAM lui soit déclarée inopposable, considérant que l’existence d’un lien de causalité entre l’acte du salarié et son activité professionnelle n’était pas démontrée.

 

Réaffirmant le principe posé dans son arrêt du 22 février 2007 (voir plus haut), la Cour de cassation énonce qu'un accident qui se produit alors que le salarié ne se trouve plus sous la subordination juridique de l'employeur constitue un accident du travail si l'intéressé ou ses ayants droit établissent qu'il est survenu par le fait du travail.

 

Or selon elle, la cour d’appel, dans le cadre de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve soumis à son examen, a bien fait ressortir que le suicide était intervenu du fait du travail, en relevant les points suivants :

 

- la réunion au cours de laquelle le salarié avait eu confirmation de la fermeture du site sur lequel il travaillait apparaît comme un élément déclencheur du passage à l'acte compte tenu de sa proximité chronologique avec le suicide du salarié survenu le lendemain ;

- cette annonce est intervenue à l'issue d'un long processus de réunions pendant lequel le salarié est demeuré dans l'incertitude quant à son avenir professionnel, ce qui l'a confronté à l'isolement et l'incompréhension ;

- les conditions de travail du salarié, contraint à de nombreux déplacements, s’étaient dégradées et il ne pouvait envisager la perspective d'une mutation dans une autre ville ;

- d'un naturel discret mais extrêmement investi dans son activité professionnelle, le salarié n'a pas fait part de ses intentions à qui que ce soit et n'a au contraire rien laissé paraître de la détresse dans laquelle il se trouvait ;

- aucun élément ne permet de relier le passage à l'acte à l'environnement personnel.

 

Le pourvoi de l’entreprise est donc rejeté et l’arrêt de la cour d’appel confirmé.

Cass. civ., 2e ch., 7 avril 2022,

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