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À quelles conditions le temps de trajet peut-il êtreconsidéré comme un temps de travail effectif ?
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En novembre 2022, la Cour de cassation a opéré un revirement en décidant que, par exception, le trajet domicile/travail pouvait, dans certaines circonstances, être qualifié de temps de travail effectif. Elle fait application de cette nouvelle jurisprudence à propos d’un technicien de maintenance qui, au départ de son domicile, pouvait être amené à convoyer avec un véhicule de service des pièces de rechange commandées par des clients.
La récente évolution de la jurisprudence à propos du temps de trajet domicile/travail
En règle générale, le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas du temps de travail effectif et n'a donc pas à être rémunéré (c. trav. art. L. 3121-4).
Or, cette position entrait en contradiction avec le droit européen, qui considère que si le temps de trajet réunit les caractéristiques du temps de travail effectif, c’est le régime du temps du temps de travail effectif qui doit s’appliquer.
Pour rappel, le temps de travail effectif se définit comme « le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles » (c.trav. art. L. 3121-1)
Un arrêt de la Cour de cassation du 3 juin 2020 avait semblé esquisser une évolution en décidant que le temps de trajet domicile-travail constituait du temps de travail effectif dans le cas particulier d’un chauffeur-livreur amené à utiliser, « pour faire le trajet entre les locaux du client de son employeur et son domicile, un véhicule de l'entreprise, contenant parfois des colis appartenant à ce client »(cass. soc. 3 juin 2020,n° 18-16920 D).
Dans l’affaire qui a donné lieu à ce revirement, le salarié, qui était un travailleur itinérant, utilisait son véhicule comme un bureau et, muni d’un kit mains libres, fixait des rendez-vous et conversait avec divers interlocuteurs (clients, directeur commercial, assistants, techniciens). Le temps de trajet répondait donc apriori à la définition du temps de travail effectif.
Premier arrêt «post-revirement », du moins à notre connaissance, une décision du 1er mars 2023 illustre à nouveau ce principe.
Une nouvelle illustration d’un temps de trajet domicile/travail assimilable à un temps de travail effectif
Pour la cour d’appel, le salarié bénéficiait d’une certaine autonomie. - En 2012, un technicien de maintenance dans une entreprise de réparation de machines et d’équipements mécaniques avait saisi les prud’hommes de diverses demandes liées à l’accomplissement d’heures supplémentaires. Il soutenait que le temps de trajet entre son domicile et différents lieux d’intervention relevait du temps de travail effectif.
Pour la Cour de cassation, des modalités de trajet qui relèveraient plutôt du travail effectif. La Cour de cassation censure néanmoins la décision de la cour d’appel, au vu des éléments suivants : « le salarié était soumis à un planning prévisionnel pour les opérations de maintenance et [...], pour effectuer ces opérations, il utilisait un véhicule de service et était amené à transporter des pièces détachées commandées par les clients ».
Du point de vue de la chambre sociale, ces éléments permettent de supposer que les temps de trajet domicile/travail constituaient un temps de travail effectif. Et les éléments mis en avant par la cour d’appel pour rejeter les demandes du salarié ne permettaient pas d’établir que, pendant ces temps, le salarié ne se tenait pas à la disposition de l'employeur, ne se conformait pas à ses directives et pouvait vaquer à des occupations personnelles.
Cass. soc. 1er mars2023, n° 21-12068 FB ;